mercredi 27 juin 2012

Prisme éclaté

Vert comme une bouteille bue jetée à l’eau
Bleu comme mon pied sans pantoufle de vair
Jaune comme la bile que je vomis sur tes mots
Rose comme les entrailles d’une souris écartelée
Brun comme le baluchon estropié du mendiant
Mauve comme les fleurs défuntes d’un cénotaphe
Orange comme le sable des pyramides effondrées
Gris comme les ruines de mes avants vaincus
Rouge comme mon cœur de cinabre qui blasphème

lundi 25 juin 2012

Intus

Dépérir si longtemps
Sous l’arbre des songes vains
Se consumer encore
Aux rivages cendreux du Pyriphlégéthon
Remonter à genoux
L’allée de saules et de peupliers
Devant
Deux colonnes de diamant
Aux yeux
Qui me jugent
S’anéantir
Dans l’odeur fade des asphodèles
Ténèbres avides
Errants réprouvés
Aux phalanges qui trouent
Je ne cesserai jamais
De chercher mon Léthé


dimanche 24 juin 2012

Le sonnet à la fourrure


Enfer démesuré d’une douce démence,
L’histoire s’écrira de nos métamorphoses
Tu m’écartèleras sur l’antique crédence
Prisonnier consentant de mes demeures closes.

Nous nous rirons toujours des entraves moroses
Et nos deux corps perclus d’une suave violence
Se seront distordus sous nos doubles hypnoses
Torturés, rayonnant d’une sourde insolence.

Dans l’enfer débridé d’un désir assassin,
Nous nous éveillerons sanglants chaque matin
Égarés dans le temps, et les sexes mêlés :

Mes mots disloqueront tes désirs tourmentés.
Toi, de mes cheveux, une guirlande feras,
Et, sans trembler, très lentement, m’étrangleras.

mardi 19 juin 2012

Aveugle



Encore les mots
Pour toi
En braille
Sous ma peau
Mais
Tu ne les vois pas
Mais tu ne les sens pas
Mais tu ne me lis pas
Tes mains
Regardent vers l’ailleurs


mercredi 6 juin 2012

Tirynthe


Jamais jamais plus dans mes rêves
l’inexpugnable citadelle
ses murs cyclopéens devenus poudre
d’os
ont déteint sur mon âme
la poussière du temps
épandue
Gravats
Idoles abolies
Même mon eau lustrale
s’est tarie
Au creux de ma main
ébréchée
la grise pulvérulence
des puissances déchues
Mon monde comme Tirynthe
effondré
oublié
tesselle
résidu
que tu foules aux pieds

lundi 4 juin 2012

Mirage



L'heure amène la trêve où la brume m'absorbe
L’homme aux mains de marbre s’enroule dans son songe
Mon fantôme frileux s’allonge sous son orbe
Caveau creux et cossu aux relents de mensonge
Quand la nuit est hantée il revoit le velours
D’une Vénus ancienne aimée en d’anciens jours
Et je m’enroule en lui complice du mirage
Pour subir à nouveau la gouge déchirante
De sa passion défunte et de son don factice
Chaque fois qu’il me prend me possède et invente
Des courbes à jamais libres des mille atours
Qui brisent les désirs et mutilent l’attente
Et ses doigts me brûlent mes yeux sont sans image
Il crée un artefact échappé d’un autre âge
Ma chair est son pouvoir et ultime artifice
Quand l’heure éteint mon cri et fend le maléfice
L’homme aux mains de marbre s’éveille sans langage
Il me laisse sans cœur je suis corps et visage